Physiquement, c’est dur, mais ça pourrait être pire. Étonnement, je n’ai toujours pas de crampes. Là, je ne comprends pas mais c’est une sacrée bonne nouvelle, alors je prends.
Moralement, je ne peux pas être mieux. C’est le top, les paysages sont incroyables, la météo est idéale, ma petite famille est venue m’attendre au ravito et j’avoue avoir eu la gorge serrée quand je les ai vus.
Les américains sont là aussi. Shawn m’avoue qu’il bave d’envie et l’année prochaine, il n’exclut pas de revenir à la même période pour se lancer lui aussi.
Why not, boy. With pleasure!
Tout ça me donne un moral d’enfer et il me tarde d’aller me frotter à la dernière partie.
Bien sûr, après avoir beaucoup bu et mangé, fait des étirements, et rempli mon camel qui est vide.
Pour Thierry…C’est plus compliqué.
Il est assis dans le gymnase, et je vois bien qu’il se tâte.
Continuer ou ne pas continuer, là est la question.
Je l’observe du coin de l’œil, il discute beaucoup avec sa femme et sa fille, je suis à l’affût d’un signe qui m’en dirait plus sur ses intentions.
Chaque fois que je passe devant lui, je l’encourage :
Allez…il reste plus grand-chose…tu n’as pas le droit de me laisser tomber…tu te rends compte des commentaires sur le blog…ces #@&* de l’équipe des Jcpiens vont te massacrer…tu les connais…des charognards….en plus t’as jamais abandonné…c’est pas ton genre…
Au bout d’un moment il se lève, la décision est prise, il repart, il ira au bout.
Je suis fier de moi, j’ai trouvé les arguments.
Il m’apprendra plus tard que je n’y suis absolument pour rien, mais ce sont les paroles de sa fille qui lui ont donné la force de continuer.(Tiens, prends ça dans ton ego !)
Allez, il faut repartir, nous estimons qu’il nous reste environ quatre heures de course.
Les filles donnent le décompte. Trois, deux, un et c’est reparti.
Un peu de goudron le temps de rejoindre la montagne et nous montons droit sur le château.Nous passons derrière et redescendons pour traverser la route de Thônes et nous lancer à l’attaque de la dernière grosse difficulté de la journée : le Mont Veyrier par le col des Contrebandiers.
J’encourage Thierry, je lui explique qu’il nous reste 9 km de montée tranquille puis 4 de descente et deux de plat.
Montée TRANQUILLE ???
Quel naïf. Nous sommes en haute Savoie, nous sommes sur la Marathon Race.
Tranquille n’est pas un adjectif compatible avec le mot "montée" par ici.
Ces 9 km seront interminables, par moment, tellement pentus que j’ai l’impression de marcher au ralenti.
Ça me rappelle ces documentaires où l’on voit des gars qui gravissent des sommets dans l’Himalaya. Ils sont presque en haut et ils vont tout doucement en s’arrêtant tous les cinq mètres. Quand j’étais gamin, ça me rendait fou, je ne comprenais pas pourquoi ils ne finissaient pas en courant, motivés qu’ils auraient dû être, par le sommet si proche.
Ben mon Himalaya à moi, c’est maintenant. Il s’appelle le Mont Veyrier, et VACHERIE, qu’il me fait mal aux jambes.
On arrive sur les crêtes, et là, c’est la récompense.
En arrière, on voit le chemin parcouru depuis le départ au bout du lac.
Et devant, on peut voir l’arrivée. Le maxi village, sur la plage d’Albigny, juste avant le casino de l’Impérial qui forme une petite presqu’île au milieu de la ligne droite.
Un bon kilomètre sur les crêtes où nous croisons beaucoup de touristes qui sont montés pour admirer le paysage. Il est en effet possible de monter en voiture jusqu’au col des Contrebandiers. Le Veyrier, comme le Semnoz (là, par contre, on prononce le Z, pff… pas facile les langues étrangères…) c’est un peu le Crussol des Anneciens.
Une femme d’un certain age, qui était sur la XL Race, c'est-à-dire le tour complet en deux jours, 43km le samedi et 43 km le dimanche, fait un malaise juste avant notre passage sur une portion extrêmement escarpée. Elle sera évacuée en civière. Bravo aux secouristes, car l’endroit n’est pas simple.
Enfin nous entamons la dernière descente. Le premier km est très technique et il nous faut vraiment être prudents car les jambes sont lourdes.
Mes crampes ne sont toujours pas là, je commence à rêver d’une course sans elles.
Thierry ne dit rien, je sais qu’il serre les dents en attendant la fin.
Même si nous sommes tentés d’envoyer un peu pour finir au plus vite, il faut assurer, alors on descend mollo et on gère.
Les 3 km suivants seront plus cool, une monosente en zigzag à travers les bois.
La température augmente, signe que nous nous rapprochons du bas.
Enfin les premières maisons.
Par les rares trouées de végétation, on aperçoit le lac.
On approche.
Ça y est, cette fois, on y est.
On traverse la route pour emprunter un ponton en bois sur le lac pendant quelques centaines de mètres.
Puis c’est la dernière ligne droite, beaucoup de gens sont là pour nous encourager, ça fait chaud au cœur.
Thierry retrouve le moral et impose le rythme du dernier km, trop rapide pour moi. Je le suis, mais dans la douleur, et je me rends compte que je geins à chaque respiration.
Le maxi village, nous devons faire le tour avant l’arche d’arrivée que nous passons à 16h46.
J’ai la gorge serrée par l’émotion et des frissons partout.
Malheureusement nos famille sont coincées dans les bouchons et n’arriveront que dix minutes plus tard.
Quelle belle aventure.
Ma plus belle aventure de course à ce jour.
Tout était réuni pour être parfait.
Un long week-end avec des gens que j’aime, un cadre extraordinaire, une météo idéale, un grand moment, et pas de crampe.
Pardon, pardon, pardon Thierry de t’avoir mêlé à ça. On ne peut pas dire que tu aies passé une bonne journée.
Je suis si triste que tu n’aies pas pris le même plaisir que moi.
J’espère que le reste du week-end a pu compenser ton dimanche.
Merci à tous pour vos encouragements, ça contribue beaucoup à la motivation. Et nous savons tous que le moral est essentiel dans ce genre de course.
J’espère avoir donner envie à certains, c’est une course que je referai certainement et avec plaisir, alors avis aux amateurs.
Laurent
L'album photo ici.
j'attendais la fin de ton récit pour féliciter les 2 valeureux curlineurs ! bravo à vous pour la perf et l’abnégation !!! il vous en faudra encore dans 15 jours pour battre les jcpiens !!! j'avoue que ton récit donne envie tant les contreforts d'Annecy sont superbes, par contre comme pour nous dimanche dernier au trail de l'escalo, le mot "course" semble là encore inapproprié à la maxi race tant les portions roulants semblent réduites....à voir
RépondreSupprimerVoilà l'un des plus beau récit du Blog, que j'ai lu, relu et envie de le relire à nouveau.
RépondreSupprimerLes photos sont magnifiques, et j'ai une seule envie : venir la faire ( Mais à voir selon ma forme et ma préparation).
Je tiens à vous souhaiter tous mes encouragements et BRAVO à vous 2 pour vos exploits et votre solidarité.
Merci Laurent pour ta belle écriture et
Bonne récupération et à très vite.
Que dire......... respect messieurs tout l esprit de la course et du trail sont dans ce récit, je dit chapeau bas pour votre etat d'esprit et votre course tout est dans la tête :)
RépondreSupprimerphilippe
Après ce magnifique récit et les photos qui vont bien, on a qu'une envie c'est d'y aller.
RépondreSupprimerPour l'année prochaine ça va être encore un casse tête pour choisir ses courses.
C'est vrai que ça donne envie. Bravo pour ce beau récit et ce bel exploit.
RépondreSupprimerMerci à tous pour vos commentaires sympathiques.
RépondreSupprimerQu'ils arrivent avant, pendant ou après l'effort, ils font toujours du bien et seront toujours les bienvenus.
Bravo à vous deux, ton récit Laurent donne vraiment envie de faire cette course, bonne récupération et j'espère avoir le même mental au mois d'Aout !
RépondreSupprimerEncore un grand Bravo.