jeudi 21 octobre 2021

La Skyrunning

 L’Ultra Trail du Mont-Blanc est l’une des courses les plus difficiles au monde : 170 km pour 10k de D+. Dimanche 2 septembre 2018, Sophie Power le termina en 43 h 33 min, seulement trois mois après avoir accouché de son deuxième enfant. À chaque ravitaillement, son mari l’attendait avec un tire-lait. Elle s’est entraînée tout au long de sa grossesse, jusqu’à deux semaines avant son accouchement.

Ce récit ne raconte pas son histoire...

Il est 10 h 30, température et temps idéal pour prendre le départ à Piégros-la-Clastre de la Skyrunning de Jack Peyrard. Trois JCPiens au rapport ! Maître Patrick Gunsett, Stéphane « la machine » et moi-même. Notre périple s'étend sur 40 km avec 2 200 de D+, autant vous dire que l’on devrait voir pas mal de champignons. Nous nous souhaitons mutuellement une bonne course et bon courage, Patrick prévoit de le finir en 8 h...  La bonne blague ! Ils finiront ensemble en moins de 6 h… Phil, en mode cycliste, est venu nous encourager sur le parcours.


Un décompte convivial pour déclencher un lâcher de cotillons et de 55 traileurs. Et hop ! Nous voilà partis... Alors le « nous » va très rapidement se transformer en « je ». Pour vous la faire courte, ça commence par grimper sur 7 km et je perds donc rapidement mes compatriotes de vue. Après un début bitumé, un sentier fait son apparition, ce qui me permet de déplier et d’utiliser pour la première fois des bâtons. Mes premières sensations sont incroyables, c’est une révélation ! J’espère que le génie qui a inventé les bâtons de trail a une statue à son effigie ou reçu un prix Nobel… Quel magnifique outil de propulsion que j’ai refusé d'utiliser pendant toutes ces années, mais quel imbécile ! À ce moment-là, je suis très en colère contre moi-même, en revanche, je n'ai pas senti passer ces 7 km de montée, tout va bien physiquement, ces bâtons s'avèrent être des alliés de taille ! Je croise Phil qui m’encourage, le parcours se poursuit avec 5 km de vallons pendant lesquels deux belles descentes commencent à me rappeler que tendinite et dénivelé négatif ne font pas bon ménage.

Je tiens bon jusqu’au premier ravito au km 12 au pied du « pas de la Motte », je prends 5 minutes pour discuter avec les bénévoles et me remplir la panse. Je repars de plus belle pour le « pas de la Motte », le « pas des Auberts » , le « rocher de La Laveuse », … Et bon appétit bien sûr ! Du dénivelé à consommer sans modération sur 3 km, du rabe en plus avec une petite erreur de parcours en suivant deux coureurs devant moi qui m'ont fait une « Philou ». Une « Philou », c’est lorsque vous voyez une série d’herbes hautes couchées à même le sol qui peut s’apparenter à une trace de sentier et que vous vous dites : « tiens... c’est praticable, ça doit être par la ! ». C’était loin d’être le cas… au bout de 100 m à peine, assistés de quelques coups de serpettes dans les broussailles, les mecs commencent à grimper droit à travers les arbres pour se frayer un passage et tenter de récupérer le parcours plus haut. Personnellement, je préfère rebrousser chemin, retrouver le tracé et essayer de comprendre notre erreur. Bon… même en ayant vu tous les épisodes de « Colombo », je n'arrive pas à élucider le mystère du tracé perdu... Pas d’autres coureurs en vue, silence radio, ... Pas d’autre choix qu’adopter leur technique et au bout d’un moment, une lumière divine jaillit ! Une rubalise ! Je retrouves mes compagnons spécialistes du hors-piste qui se trouvaient à une trentaine de mètres devant moi, nous atteignons enfin le sommet au km 15. Je vous raconte pas la vue ! Il fallait être là !

Ils disparaissent dans la petite descente qui s'ensuit. La douleur commence à dicter ma vitesse dans ces descentes caillouteuses et très techniques. J’arrive quand même à relancer pendant les faux plats jusqu’au km 18, où jusqu’ici, je pouvais dire que tout allait bien, car maintenant, on va s’attaquer à 5 km de D- dans de la caillasse comme on l’aime… Et c'est à partir de ce moment-là que la course va prendre une autre dimension pour moi.

J’arrive tant bien que mal à me freiner avec les bâtons pour limiter les chocs sur les rotules, j’essaye de mettre tout le poids sur le côté gauche pour soulager le droit, je tente d’amortir et d’optimiser chaque foulée pour minimiser l’impact mais « Jésus Marie José Pérec ! », que cette descente fût longue, très loonnggguuuee. Ce n’était plus des cailloux, c’était des mines antipersonnel… Une odeur de napalm émanait de la genouillère. Le plus drôle dans tout ça, c’est que sur Strava, ce segment de 5,16 km s’appelle « Descente de l’explosion »…  ! Je ne suis pas prêt d'oublier cette descente, ni son nom !

Au bout d’une heure, le calvaire se termine, je passe de la « descente vietnamienne » à la « marche nordique » sur 1 km jusqu’au ravito du km 24, « Le Pavillon forêt de Saoû ». Je prends encore 5 minutes avec Phil toujours présent pour me motiver. 

Je redécolle en montée, et tant mieux ! Pas de douleur, et au moins cela me donne l’impression d’avancer. La Skyrunning est assez redoutable, avec ses 15 premiers kilomètres avec une grosse tendance D+, pour enfin redescendre sur les 25 derniers, avec 2-3 bosses bien sûr pour calmer vos ardeurs, puis se termine sur de faux plats jusqu’à l’arrivée à Crest. La fin risque d’être tendue. Descentes et plats : même combat ! Je ne peux qu’alterner trottinement (25 %) et marche (75 %), courir est devenu un luxe.

Ça commence à faire un bon moment que je n'ai croisé personne. Mes seuls compagnons de route sont les rubalises et les marquages roses au sol. Je dois rester concentré pour ne pas quitter la piste par mégarde et finir à Montélimar…

Après 3 kilomètres de descente, j'arrive à la dernière grosse bosse au km 28 qui me donne un dernier moment de répit à la rotule. En revanche, la dévaler a était une toute autre histoire, mais une fois la pente moins raide, j’ai pu rejoindre enfin le dernier ravito « Centre équestre » au km 33.

Enfin la civilisation ! Ça fait du bien ! C'est la dernière fois que je vois Phil qui m’annonce que le maître et la machine sont déjà arrivés… Je pense très fortement à Patrick et son pronostic de 8 h… Je n’appelle pas cela de la motivation ! 

 
Je décide donc de ne pas traîner, la PLS : ça sera pour demain ! Et c’est reparti pour 7 km de « clic. clic. » et de « aïe ! aïe ! ». Je garde tout de même un œil sur la position du soleil qui se rapproche dangereusement des montagnes… Ah oui ! Je ne l’ai pas encore précisé, mais j’ai oublié ma frontale pourtant obligatoire… Alors si je ne veux pas donner un prénom à chaque rubalise une bonne partie de la nuit, j’ai plutôt intérêt à presser le pas, surtout que quand j'aperçois la tour de Crest au loin, je n'ai pas l’impression de la voir grossir au fur et à mesure de ma progression… C’est légèrement vexant… à deux doigts de partir dans un monologue en allemand.

Fini les sentiers, enfin du bitume ! On se rapproche ! Ma rotule n’apprécie guère, mais ce n’est pas grave, il m’en reste une autre. Je « savoure » mes dernières foulées pas très académiques jusqu’à l’arrivée où m’attendent les 2 artistes et Mr Peyrard. Petit briefing de fin course et on remballe vite l’histoire… CLAP de fin !

Pas de crampes, pas de problèmes de nutrition ni d’hydratation, pas de coups de fatigue, pas d’ampoules aux pieds, pas de blessures hormis la tendinite, mais ça c’était déjà compris dans le prix, les bâtons : c’est la vie ! Y’a quand même des choses positives à retenir, même si je pense que le 80 va être très compliqué à finir dans le temps imparti… On va quand même aller tâter le terrain ! À dans 2 semaines !

Gros merci à Stéphane pour sa patience, avant et après la course, Maître Gunsett pour ses conseils avisés, Phil pour m’avoir suivi et motivé, tous ceux qui m’ont encouragé par message et consommé ma batterie 😉, et sans oublier tous les sympathiques bénévoles avec qui j’ai bien rigolé ! 

Alex

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