mercredi 13 juillet 2022

Grande traversée du Queyras

A force de pratique du trail, il faut savoir que le sang irrigue les membres mais ne remonte plus assez au cerveau,  d’où ce phénomène d’inscriptions compulsives sur des courses sans réfléchir. J’avais l’envie de partir sur des courses typées un peu plus “ haute montagne “ avec l’idée d’aller sur le 100 km de l UT4M mais du fait de mes mauvaises fréquentations me voilà inscrit sur le grand raid du Queyras, 1ère édition et annoncé comme le trail le plus haut d’Europe…. Rien que ça (80 % de la course au-dessus des 2000 mètres d’altitude avec un passage à 3021 mètres) ! Sont de la partie Philippe, Baptiste, Jean Marie inscrits sur le 98 kms avec 6300 d+ et surtout Emeric qui ne fait jamais les choses à moitié ; sur le 164 kms et ces 10700 de d+. Il partira de Guillestre 24h avant nous le vendredi. Jean Marie déclarera forfait sur blessure 2 semaines avant la course. Du coup je partirai seul le vendredi dans ce petit village très touristique des hautes alpes. Le cadre est pas mal avec une vue sur la barre des écrins et son glacier culminant à 4000 mètres et la station de ski de Risoul 1850 sous la pointe du Razis … une carte postale !

Je récupère mon dossard après une inspection scrupuleuse de mon sac. On est sur quasi le même équipement obligatoire demandé pour l'UTMB. Je récupère un tee shirt et donne mon sac d’allègement qui ira directement à la base de vie de la mi-course à Ceillac. Je prends ma chambre et j attend Cécile, Philippe et Baptiste pour qu’ils récupèrent leur dossard. Ils iront à la rencontre d'Emeric au ravitaillement d'Abries qui sera aussi le départ de notre course et leur base pour la nuit. Je mange au restaurant le soir et je me rends bien compte à quel point c’est touristique (35 euros pour un plat une boisson et un dessert ; il aurait pu prévoir la vaseline avec l’addition).

Il est 4 heures du matin et j attend la navette qui doit m’emmener au départ à Abries. Il fait nuit, le ciel est bien dégagé et s’offre à moi une magnifique voie lactée agrémenté de quelques étoiles filantes. Ça commence plutôt bien. Je finis ma nuit pendant les 45 min de bus et je rejoins la fine équipe avant le départ de la course.

Bon, on n’a pas écouté le briefing du départ mais ce n’est pas grave il y a un peu de monde (233 partants sur 275 inscrits) on ne devrait pas courir seul. Le départ est donné à 6h. On suit une route sur 500 m et on attaque la bosse d’échauffement. Ça grimpe en lacet vers des pâturages afin d’arriver à l’étang du Moussou (1917 m) et une descente plutôt raid vers Ristolas (km 5). On suit le GR58 sur une partie plutôt plate et plutôt longue le long du Guil en passant par le refuge de la Monta. C’est plat jusqu’ au km 10 ; pour une course avec autant de dénivelé ça commence plutôt mal pour moi. Heureusement les réjouissances arrivent avec la montée au col vieux. La grimpette commence dans des alpages avec de magnifiques torrents aux sons des cris des marmottes. Le mont Visio s’offre à nous dans cette montée de 1100 d+ pour 8kms.

Début de la montée

Lac d'Egorgeou

Lac Foréant
 
Col vieux et pain de sucre
Arrivée au col vieux (2806m) avec le pain de sucre (point culminant du Queyras avec 3208m) à notre gauche. La montée n’était pas trop raide du coup je cours pour le photographe attendant les coureurs au col. On redescend mais pas longtemps vers le ravito du refuge Agnel (2577m) après 20kms de course. Cécile est là pour les encouragements.

Pain de sucre vu du refuge
 Le ravito est simple avec quelques douceurs préparées par le refuge ; des quiches de plusieurs sortes vraiment très bonnes.je ne tarde pas trop afin de partir vers le col de Chamoussiere (2894 m) et l’ascension vers le sommet de la course le pic de Camarantran (3021 m). Un chemin très pierreux avec une pente raisonnable jusqu’ au col de Chamoussiere ou le vent frais se fait sentir. Je décide de sortir ma veste avant de gravir les 400d+ jusqu’ au pic ou la vue est sensationnelle. Je remarque quand même qu’une grande partie des coureurs ne s’arrêtent même pas pour la vue…on se demande quel est l’intérêt de monter là haut pour ne pas en profiter.

Montée du col de Chamoussière

En haut du pic de Caramantran

En haut du pic de Caramantran
La descente est technique au début mais devient plus agréable sur un chemin terreux jusqu’ au col de St Veran ou l’on suit le GR58 jusqu’au refuge de la blanche ou se trouve un point d’eau. Je profite de l’occasion pour ranger ma veste et me désaltère à cette fontaine bien fraiche. Une chose de bien dans le Queyras c’est l’abondance de torrents et fontaines salvatrices pour des gens sensibles a la déshydratation comme moi. Le chemin qui mene à St Veran est plutôt plat voir même trop plat sur facilement 10kms… c’est long mais le paysage vaut le coup. Je cours mais bientôt une vive douleur au niveau de mon petit orteil m’oblige à m’arrêter. Je me dis ça y est j’ai un sérieux problème je sens arriver l’abandon. Je décide d’examiner le problème car la douleur est tellement intense que je ne peux plus poser le pied. J’ai peur du verdict. En fait j’avais trop serré ma chaussure par crainte des ampoules… quel c… je remets ma chaussure en serrant normalement et d’un coup plus de douleur, c’est ballot. L’altitude se fait quand même ressentir avec quelques étourdissements lors des efforts importants ; va falloir faire avec.

Col de St Veran

GR 58
Après cette longue partie plate ou je cours pas mal ; on descend enfin sur St Veran et le ravitaillement du 35. C’est un village perché très joli avec des fontaines à chaque coin de rue ou je profite pour plonger la tête et humidifier ma casquette. Le temps est beau et la chaleur commence à monter. La difficulté arrive avec une belle bosse à passer afin de mériter la base de vie située à Ceillac. Le col des Estronques (2651m) commence par une partie en alpages très raide. L’ascension est longue avec un début ensoleillé mais quelques nuages viendront me sauver la vie. On a toujours l’impression d’arriver au bout mais chaque bosse en cache une autre et c'est là qu’on commence à voir la limite de certains. J’arrive là-haut en restant régulier et en m'alimentant correctement. Les secouristes attendent en haut et posent des questions sur notre état pour savoir s’il y a un problème. On commence à doubler des coureurs du 164 qui dorment sur le côté du chemin. La descente est très raide en lacet mais pas trop technique. C’est assez long et on vient encore rejoindre un chemin très plat et assez long sur 3.5 kms…. une horreur ! J'arrive enfin à la base de vie de Ceillac (1633m) ou je vais pouvoir me changer. Je ravitaille correctement. Je mange une assiette de pâte et un jet est à disposition pour prendre une douche. A ce moment-là on est à la moitié de la course mais aussi à peine la moitié du d+. Le pire arrive et je médite longuement à m élancer vers la principale difficulté de la course surtout que le soleil est revenu. Je croise Cécile et j’arrive à me motiver. C’est partie pour l’ascension du pas du curé (2783m) c’est à dire un coup de cul de 910m de d+ dont la fin 550m sur 2.1 kms…. On commence par un chemin plat sur 3kms et d’un coup ça bifurque dans le bois et ça grimpe sévère le long d’un torrent (ou je ne me gêne pas pour m'abreuver). On arrive dans un paysage lunaire entouré de  barres rocheuses. Je m’assois un peu et je m’alimente pour prévenir du coup de mou. On se demande vraiment comment on va sortir de la dedans c’est flippant. J’aperçois dans un petit creux en haut, les petites silhouettes des membres de l’organisation attendant les coureurs.

Grimpée pas du curé
 
Pas du curé



La descente dans le vallon des pelouses est très technique au début et se termine en chemin d’alpage jusqu’à la bergerie d'Endrevez (2181m) ou se trouve un point d’eau situé sous un barre rocheuse très fréquentée par des alpinistes à l’entrainement. C’est une source très fraiche…. Un bonheur !

Je charge bien en flotte et c’est parti pour l’ascension jusqu’au col d’Escreins (2680m) très très raide avec un début dans un chemin ombragé mais une grosse partie pleine cagne de fin d’après-midi dans un pierrier très pentu. Je prends cher dans cette partie…

Col de l’Escreins (à gauche on voit la pointe du Razis: dernière difficulté de la course au-dessus de Risoul)

 La descente vers le refuge de Basse Hua est éprouvante avec une perte de 900d- sur 5 kms. C’est très raide et je cherche à économiser mes jambes pour la suite en m'aidant de mes bâtons. 2.5 Kms avant la fin de la descente il y a un pointage de la puce et un avertissement de plusieurs passages avec cordes et escaliers. Je trouve la descente très longue et j’arrive au refuge de basse de basse hua (1751m). Je commence à avoir la nausée et j’effectue une bonne pause pour pouvoir reprendre du poil de la bête. Je reste bien une bonne demi-heure et la nuit ainsi que la fraicheur commencent à tomber. Je sors ma première couche chaude mais je sens que ça va pas suffire alors je mets aussi ma veste. J ingurgite un maximum de truc. Je sors ma frontale et chasse l’idée d’abandon. Un organisateur me vend du rêve en me parlant de la prochaine bosse. Un chemin tranquille en sous-bois pas trop difficile ; il n’en fut rien…. Ça démarre raide et le chemin soit disant tranquille grimpe super fort. Il va faire mal à pas mal de coureur qui vont abandonner malgré avoir franchi les principales difficultés. J’arrive au col de la scie (2376m) accueilli par un bénévole bruyant et enthousiaste. C’est la descente plutôt tranquille vers Vars St Marcellin (1631m) pour l’avant dernier ravitaillement. J’apprendrai plus tard que Baptiste a eu des problèmes gastriques et qu’il était en train de dormir au temple de Vars pendant mon passage. Il dormira 3 heures avant de repartir et finir la course. Les bénévoles sont charmants et attachants, on rigole bien malgré une pensée pour la dernière bosse qu’il va falloir passer pour être finisher. Il reste 25 kms et une ascension de 960d+.

Impossible de reculer, c’est le point de non-retour. Ça démarre par un chemin de vache très pentu mais rejoins une route à demi goudronnée. C’est moche. Après 4 kms les choses sérieuses reprennent et le panneau indiquant le KV permanent de Vars ne fait rien de mieux que m’inquiéter. Ça monte fort et l’on voit les frontales au loin. Je reste la tête penchée vers le sol et je grimpe en faisant des pauses pour éviter de me griller. Je fini par débouler eau col sous la pointe du Razis (2475m) accueilli par une lune d’une couleur fantastique. Bien sûr il ne faut pas croire que l’affaire est conclue. La descente se fait par un pierrier hyper pas stable et fortement pentu, très éprouvant. Certains sont à la ramasse et j’en profite pour doubler. S’ensuit des lacets super pentus que j’aborde plutôt bien grâce à ma gestion de la fatigue, j'ai encore des jambes et je peux faire mine de courir lorsqu’on rejoint les pistes de ski qui nous mèneront un dernier ravitaillement de Risoul (1850m). À l’arrivée au ravitaillement ; chose étrange ; un renard traine autour du ravitaillement et ne semble pas effrayé le moins du monde. A force de le nourrir ; il est devenu la mascotte du village. Je ravitaille vite car il est déjà 3 h du matin et j’aimerai arriver avant le lever du jour. Bien sûr l’erreur était de croire qu’il restait seulement de la descente… ça descend au début et je commence à morfler niveau fatigue musculaire mais je reste content car ça m’arrive beaucoup plus tard que d’habitude surement grâce à l’entrainement. On n’arrive pas directement à Guillestre ; forcement ; et on fait une petite boucle qui rallonge de 5 kms avec quelques bosses autour d’une combe. J’ai du mal à garder du rythme et je marche beaucoup. Je sens que je vais arriver au petit jour et je m’énerve vite sur ce single complètement inutile et pour couronner le tout on arrive en bas de la ville et c’est parti pour une visite de ruelles sombres fréquentées par la racaille au vu des murs. J’arrive enfin au bout de 23 h de périple. Je prends mon cadeau finisher que j’aurai mieux fait d’essayer tellement il taille petit mais trop presser de prendre ma douche et me coucher. Philippe fera un podium dans sa catégorie. Emeric sera finisher après un périple de 42 heures, énorme. Baptiste arrivera au bout malgré ses problèmes grâce à un gros mental.

Pour une première édition c’est plutôt pas mal malgré des ravitos avec de la bouffe bas de gammes (pas de produits locaux et faux coca) et certains se sont plaint du manque de kiné et podologue; service que je n’utilise jamais donc pour moi ça m’a pas manqué. La fin aurait pu être mieux mais le terrain de jeu est magnifique; les bénévoles super sympas et je pense que les prochaines éditions seront au top. Belle aventure pour moi, je reste satisfait et confiant pour la suite car comme je le disais au début à propos des inscriptions compulsives, Méribel trail (50kms et 4200d+) suivi du Glandass trail difficile de savoir combien il fait mais minimum 70 kms avec au moins 5000d+) et en octobre l’endurance trail des templiers (106 kms 4500 d+). 

Je n’ai pas fini d’en chier….

Stéphane

2 commentaires:

  1. Ca c'est du récit, l' année prochaine fait le 160 et il faudra la journée pour le lire, bravo pour ta course et rendez-vous peut-être à la Glandassetrail.

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  2. Stéphane avec ton récit, tes photos, tu me donnes des regrets et en même temps je me dis que j'ai échappé à une sacrée course. Bravo pour ta course, tu as bien géré et pour ton reportage. J'attends avec impatience les prochains récits de tes courses.

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