J’atteins le sommet aux 23 ème kilomètre en 4H15, un peu en retard sur mon objectif de 4h (mais bon je n’avais pas intégré l’option vidange du foie).
Et là, comment vous dire, vous basculez dans un monde plus proche de la Sibérie orientale que du gentil géant de Provence. Un vent de fou, se met à souffler sur les crêtes, pas loin je pense des 100 km/ h, un truc de malade. Dans ce cas là les conditions sont tellement violentes, que l’on ne se pose même pas de question, de savoir pourquoi l’on se trouve ici, et que l’on avance, coute que coute en baissant la tête, en se protégeant du froid autant que l’on peut.
On court, on avance, une seule chose compte, descendre au plus vite, pour retrouver des conditions plus clémentes, mais les crêtes du Ventoux sont longues, environ 4 kilomètres et ce froid vous mange une énergie incroyable.
La descente se fait, tant bien que mal, essayant de ne pas glisser, de ne pas tomber, en suivant les poteaux rouges et bleus disposés tous les 10 mètres.
Petit à petit le vent se calme, mais reste glacial, et c’est avec soulagement que je vois au loin le ravitaillement en eau, nous en sommes au 28 ème km, et très franchement le moral à ce moment là, est en berne. Je suis congelé, j’ai le bide en vrac, le mental qui ne répond plus, et quand je me dis qu’il reste encore 20 km et environ 900 de D+ à avaler, je pense à abandonner.
Et puis je vois Sabine et Thierry, bien que je vous l’ai déjà dit à tous les deux, mais je le répète aujourd’hui, vous avez été plus qu’important à ce moment là de la course.
Le mental : « C’est bon je reconnecte. Mais ne me fais plus des coups comme cela. Je fais un état des lieux et je reviens »
Les muscles : « C’était quoi ce bordel, il est malade ou quoi ? »
Le mental : « On lâche rien, on y retourne, vous suivez ? »
Les muscles : « Une pause ravito, et OK on le suit »
Le mental : « c’est bon mon garçon, les muscles nous suivent, on y retourne. Regarde bien Sabine et Thierry dans les yeux, tu vois bien que tu ne peux pas abandonner, ils sont là pour toi, si en plus j’y rajoute une pensée pour tes enfants, je suis sur que tu peux continuer »
A ce moment là, on tape dans les ressources mentales, et j’ai pensé très fort à mes loulous, je ne me voyais pas les appeler pour leur dire que j’avais abandonné, ce n’était pas possible.
Un coup de flotte, un regard à mes chouchous de l’assistance, et je file.
Alors je n’ai pas honte de vous le dire, c’est quasiment les larmes aux yeux que je suis repartis en me demandant comment j’allais finir.
Et puis la température remontant, le moral a pris le même chemin, les douleurs à l’estomac se sont arrêtés, les jambes sont revenues, j’ai réussi à me remettre dans le rythme et là pendant plusieurs kilomètres à courir à travers bois, le plaisir est revenu, la confiance avec.
Bien qu’ayant atteint le sommet, la course est loin d’être terminée, il faut aligner les vallons les uns derrières les autres, jamais de grosses montées, mais des passages de 300 à 400 M qu’il faut monter et qui à chaque fois vous cisaillent un peu plus les mollets.
J’arrive finalement au dernier ravitaillement au 35ème kilomètre en 6h15. Il reste 13 kilomètres, et j’ai bon espoir de terminer aux alentours de 8h.
Alors que ce n’était pas prévu, j’y retrouve une fois de plus, Thierry et Sabine, et une fois de plus je ne peux que les remercier de leur soutien et de leurs encouragements. Je me sens beaucoup mieux qu’au précédant ravitaillement et je suis confiant pour la fin de course.
Les muscles : « Faut pas qu’il s’emballe le bonhomme, bien que volontaire, on commence à fatiguer un peu quand même, faudrait voir à ce qu’il n’y ait pas trop de montée sur la fin »
Le mental : « D’après ce que j’ai cru comprendre il en reste encore un peu, donc on continue de fonctionner, on lâche rien »
Une dernière bise à mes anges gardiens du jour, une pensée pour mes loulous, et me voilà psychologiquement prêt pour finir cette épreuve.
Jusqu’au 40ème kilomètres, tout se passe plutôt bien, les montées s’enchainent et je les passe, en souffrance certes, mais je les passe, je dépasse même quelques concurrents en difficultés, j’arrive à relancer après chaque montée, je me sens plutôt bien.
Sauf qu’à partir du 40ème cette mécanique va commencer de nouveaux à s’enrayer, et de nouveaux, des douleurs à l’estomac se font ressentir, bien moins violente, mais quand même elles sont là, en plus la fatigue commence réellement à peser, les 2000 de D+ ayant été dépassés.
Le mental : « Je commence à ne plus pouvoir tenir les troupes, les jambes commencent à flancher, ainsi que les mollets, le foie me renvoie des alertes, bref il faut vite en finir »
Les derniers kilomètres deviennent vraiment difficile, je me fais doubler par pas mal de concurrents, mais à ce moment là, je ne pense plus qu’a finir, en alternant dans ma tête les pensées qui vont de « c’est bon j’arrête les courses, tu n’es pas fait pour ça », à « il faut mieux t’entrainer, si tu veux être plus tranquille ».
Le mental : « Désolé mais là je ne gère plus rien, des idées arrivent dans tous les sens, moi aussi je rends mon tablier, débrouille toi de finir, moi je lâche l’affaire ».
Je vous passe la galère des derniers kilomètres, mon corps ne répondant plus, j’arrive enfin au denier kilomètre et enfin hectomètres, oui, au point ou j’en étais, les hectomètres sont importants, lorsque j’entends mon nom, Philippe est là avec son appareil photo qui m’attendait (désolé pour l’attente, j’ai été peut être un peu long), il m’encourage et m’annonce l’arrivé à moins de 300 M.
Le mental : « Quoi ? que ce que j’entends ? on t’appelle serait ce la fin ? Bon les muscles, un dernier effort, on y est »
Les muscles : « C’est bon on est là, mais pour 300 M et pas plus, après on arrête, il y en a marre !!!!!!!, il va falloir que l’on ait une sérieuse discussion, encore une fois »
Le mental : « plus tard c’est promis, mais en attendant donnez ce qu’il vous reste »
Tous les copains sont là, et j’ai même droit à une haie d’honneur pour mon arrivée.
Je franchirai finalement cette ligne d’arrivé en 8h34, ravi d’avoir fini, mais un peu déçu quand même d’avoir craqué sur la fin alors que je ne me sentais pas trop mal.
Un immense merci à toute l’équipe qui nous a accompagné pour le week-end, avec une pensée spéciale pour mes deux anges gardiens qui ont su par leur simple présence me donner la force d’avancer, et de pouvoir annoncer à mes enfants le soir même que j’étais finisher et non un coureur ayant abandonné.
Encore merci.
Mes félicitations les plus sincères à tous les autres coureurs, Quentin, Baptiste, Jean Marie, Phil, Stéphane, Jenni, ainsi que Cathy qui s’est aligné sur le 23 km, vous avez mon plus profond respect, pour les performances accomplis, promis je vais m’entrainer pour que votre attente soit moins longue.
C’est surement cette course, qui m’a le plus usé mentalement, mais c’est aussi sur celle là que j’aurai le plus appris sur moi. J’espère ne pas avoir été trop long, mais j’avais vraiment envie de vous faire partager toute cette émotion.
Inutile de vous dire, que le lendemain, mes muscles se sont rappelés à mon souvenir, mais on est en train de reprendre le dialogue, ça devrait passer, mais entre nous, je ne leur ai encore rien dit pour la prochaine course…….. Chut …..
Ludo
Les photos ICI
Bravo Ludo pour ton récit. Le dialogue est parfois difficile entre son mental et son corps. Tu as su et pu passer outre.
RépondreSupprimerBonne récup.