vendredi 23 mars 2018

Trail du Ventoux 2/2

L’observatoire se dessine devant nous,‭ ‬les paysages sont toujours magnifiques,‭ ‬mais à l’approche du sommet,‭ ‬alors que tout va de nouveaux pour le mieux,‭ ‬un membre de l’organisation,‭ ‬nous averti de ce qui nous attend,‭ ‬à savoir un gros coup de vent sur les‭ ‬4‭ ‬prochains kilomètres.
J’atteins le sommet aux‭ ‬23‭ ème kilomètre en‭ ‬4H15,‭ ‬un peu en retard sur mon objectif de‭ ‬4h‭ (‬mais bon je n’avais pas intégré l’option vidange du foie‭)‬.
Et là,‭ ‬comment vous dire,‭ ‬vous basculez dans un monde plus proche de la Sibérie orientale que du gentil géant de Provence.‭ ‬Un vent de fou,‭ ‬se met à souffler sur les crêtes,‭ ‬pas loin je pense des‭ ‬100‭ ‬km/‭ ‬h,‭ ‬un truc de malade.‭ ‬Dans ce cas là les conditions sont tellement violentes,‭ ‬que l’on ne se pose même pas de question,‭ de savoir pourquoi l’on se trouve ici,‭ ‬et que l’on avance,‭ ‬coute que coute en baissant la tête,‭ ‬en se protégeant du froid autant que l’on peut.‭
On court,‭ ‬on avance,‭ ‬une seule chose compte,‭ ‬descendre au plus vite,‭ ‬pour retrouver des conditions plus clémentes,‭ ‬mais les crêtes du Ventoux sont longues,‭ ‬environ‭ ‬4‭ ‬kilomètres et ce froid vous mange une énergie incroyable.
Le mental :‭ «‬Avance,‭ ‬on en reparle après,‭ ‬moi je débranche tout ‭»

La descente se fait,‭ ‬tant bien que mal,‭ ‬essayant de ne pas glisser,‭ ‬de ne pas tomber,‭ ‬en suivant les poteaux rouges et bleus disposés tous les‭ ‬10‭ ‬mètres.‭ 
Petit à petit le vent se calme,‭ ‬mais reste glacial,‭ ‬et c’est avec soulagement que je vois au loin le ravitaillement en eau,‭ ‬nous en sommes au‭ ‬28‭ ème km,‭ ‬et très franchement le moral à ce moment là,‭ ‬est en berne.‭ ‬Je suis congelé,‭ ‬j’ai le bide en vrac,‭ ‬le mental qui ne répond plus,‭ ‬et quand je me dis qu’il reste encore‭ ‬20‭ ‬km et environ‭ ‬900‭ ‬de D+‭ ‬à avaler,‭ ‬je pense à abandonner.‭
Et puis je vois Sabine et Thierry,‭ ‬bien que je vous l’ai déjà dit à tous les deux,‭ ‬mais je le répète aujourd’hui,‭ ‬vous avez été plus qu’important à ce moment là de la course.
Le mental :‭ «‬ C’est bon je reconnecte.‭ ‬Mais ne me fais plus des coups comme cela.‭ ‬Je fais un état des lieux et je reviens ‭»
Les muscles :‭ «‬ C’était quoi ce bordel,‭ ‬il est malade ou quoi ‭?‬ ‭»
Le mental :‭ «‬ On lâche rien,‭ ‬on y retourne,‭ ‬vous suivez ‭?‬ ‭»
Les muscles :‭ «‬ Une pause ravito,‭ ‬et OK on le suit ‭»
Le mental :‭ « ‬c’est bon mon garçon,‭ ‬les muscles nous suivent,‭ ‬on y retourne.‭ ‬Regarde bien Sabine et Thierry dans les yeux,‭ ‬tu vois bien que tu ne peux pas abandonner,‭ ‬ils sont là pour toi,‭ ‬si en plus j’y rajoute une pensée pour tes enfants,‭ ‬je suis sur que tu peux continuer ‭»

A ce moment là,‭ ‬on tape dans les ressources mentales,‭ ‬et j’ai pensé très fort à mes loulous,‭ je ne me voyais pas les appeler pour leur dire que j’avais abandonné,‭ ‬ce n’était pas possible.
Un coup de flotte,‭ ‬un regard à mes chouchous de l’assistance,‭ ‬et je file.
Alors je n’ai pas honte de vous le dire,‭ ‬c’est quasiment les larmes aux yeux que je suis repartis en me demandant‭ comment j’allais finir.
Et puis la température remontant,‭ ‬le moral a pris le même chemin,‭ ‬les douleurs à l’estomac ‬se sont arrêtés,‭ ‬les jambes sont revenues,‭ ‬ j’ai réussi à me remettre dans le rythme ‬et là pendant plusieurs kilomètres à courir‭ à travers bois,‭ ‬le plaisir est revenu,‭ ‬la confiance avec.‭
Bien qu’ayant atteint le sommet,‭ ‬la course est loin d’être terminée,‭ ‬ il faut aligner les vallons les uns derrières les autres,‭ ‬jamais de grosses montées,‭ ‬mais des passages de‭ ‬300‭ ‬à‭ ‬400‭ ‬M qu’il faut monter et qui à chaque fois ‬vous cisaillent un peu plus les mollets.
J’arrive finalement au dernier ravitaillement au‭ ‬35ème‭ ‬kilomètre en‭ ‬6h15.‭ ‬Il reste‭ ‬13‭ ‬kilomètres,‭ ‬et j’ai bon espoir de terminer aux alentours de‭ ‬8h.‭
Alors que ce n’était pas prévu,‭ ‬j’y retrouve une fois de plus,‭ ‬Thierry et Sabine,‭ ‬et une fois de plus je ne peux que les remercier de leur soutien et de leurs encouragements.‭ ‬Je me sens beaucoup mieux qu’au précédant ravitaillement‭ ‬et je suis confiant pour la fin de course.

Les muscles :‭ «‬ Faut pas qu’il s’emballe le bonhomme,‭ ‬bien que volontaire,‭ ‬on commence à fatiguer‭ ‬un peu quand même,‭ ‬faudrait voir à ce qu’il n’y ait pas trop de montée sur la fin ‭»
Le mental : ‭«‬ D’après ce que j’ai cru comprendre il en reste encore un peu,‭ ‬donc on continue de fonctionner,‭ ‬on lâche rien ‭»

Une dernière bise à mes anges gardiens du jour,‭ ‬une pensée pour mes loulous,‭ ‬et me voilà psychologiquement prêt pour finir cette épreuve.
Jusqu’au‭ ‬40ème ‬kilomètres,‭ ‬tout se passe plutôt bien,‭ ‬les montées s’enchainent ‬et je les passe,‭ ‬en souffrance certes,‭ ‬mais je les passe,‭ ‬je dépasse même quelques concurrents en difficultés,‭ ‬j’arrive à relancer après chaque montée,‭ ‬je me sens plutôt bien.‭
Sauf qu’à partir du‭ ‬40‭ème ‬cette mécanique va commencer de nouveaux à s’enrayer,‭ ‬et de nouveaux,‭ ‬des douleurs à l’estomac se font ressentir,‭ ‬bien moins violente,‭ ‬mais quand même elles sont là,‭ ‬en plus la fatigue commence réellement à peser,‭ ‬les‭ ‬2000‭ ‬de D+‭ ‬ayant été dépassés.

Le mental :‭ «‬ Je commence à ne plus pouvoir tenir les troupes,‭ ‬les jambes commencent à flancher,‭ ‬ainsi que les mollets,‭ ‬le foie me renvoie des alertes,‭ ‬bref il faut vite en finir ‭»

Les derniers kilomètres deviennent vraiment difficile,‭ ‬ je me fais doubler par pas mal de concurrents,‭ ‬mais à ce moment là,‭ ‬je ne pense plus qu’a finir,‭ ‬en alternant dans ma tête les pensées qui vont de‭ «‬ c’est bon j’arrête les courses,‭ ‬tu n’es pas fait pour ça ‭»‬,‭ ‬à‭ «‬ il faut mieux t’entrainer,‭ ‬si tu veux être plus tranquille ‭»‬.
Le mental :‭ «‬ Désolé mais là je ne gère plus rien,‭ ‬des idées arrivent dans tous les sens,‭ ‬moi aussi je rends mon tablier,‭ ‬débrouille toi de finir,‭ ‬moi je lâche l’affaire ‭»‬.

Je vous passe la galère des derniers kilomètres,‭ ‬mon corps ne répondant plus,‭ ‬j’arrive enfin au denier kilomètre et enfin hectomètres,‭ ‬oui,‭ ‬au point ou j’en étais,‭ ‬les hectomètres sont importants,‭ ‬lorsque j’entends mon nom,‭ ‬Philippe est là avec son appareil photo qui m’attendait‭ (‬désolé pour l’attente,‭ ‬j’ai été peut être un peu long‭)‬,‭ ‬il m’encourage et m’annonce l’arrivé à moins de‭ ‬300‭ ‬M.

Le mental :‭ «‬ Quoi ‭? ‬que ce que j’entends ‭? ‬on t’appelle serait ce la fin ‭? ‬Bon les muscles,‭ ‬un dernier effort,‭ ‬on y est ‭»
Les muscles :‭ «‬ ‭ ‬C’est bon on est là,‭ ‬mais pour‭ ‬300‭ ‬M et pas plus,‭ ‬après on arrête,‭ ‬il y en a marre ‭!!!!!!!‬,‭ ‬il va falloir que l’on ait une sérieuse discussion,‭ ‬encore une fois ‭»
Le mental :‭ «‬ plus tard c’est promis,‭ ‬mais en attendant donnez ce qu’il vous reste ‭»

Tous les copains sont là,‭ ‬et j’ai même droit à une haie d’honneur pour mon arrivée.
Je franchirai finalement cette ligne d’arrivé en‭ ‬8h34,‭ ‬ravi d’avoir fini,‭ ‬mais un peu déçu quand même d’avoir craqué sur la fin alors que je ne me sentais pas trop mal.
Un immense merci à toute l’équipe qui nous a accompagné pour le week-end,‭ ‬avec une pensée spéciale pour mes deux anges gardiens qui ont su par leur simple présence me donner la force d’avancer,‭ ‬et de pouvoir annoncer à mes enfants le soir même que j’étais finisher et non un coureur‭  ‬ayant abandonné.
Encore merci.
Mes félicitations les plus sincères à tous les autres coureurs,‭ ‬Quentin, Baptiste,‭ ‬Jean Marie,‭ ‬Phil,‭  ‬Stéphane,‭ ‬Jenni,‭ ‬ainsi que Cathy qui s’est aligné sur le‭ ‬23‭ ‬km,‭ ‬vous avez mon plus profond respect,‭ ‬pour les performances accomplis,‭ ‬promis je vais m’entrainer pour que votre attente soit moins longue.
C’est surement‭ cette course,‭ ‬qui m’a le plus usé mentalement,‭ ‬mais c’est aussi sur celle là que j’aurai le plus appris sur moi.‭ ‬J’espère ne pas avoir été trop long,‭ ‬mais j’avais vraiment envie de vous faire partager toute cette émotion.
Inutile de vous dire,‭ ‬que le lendemain,‭ ‬mes muscles se sont rappelés à mon souvenir,‭ ‬mais on est en train de reprendre le dialogue,‭ ‬ça devrait passer,‭ ‬mais entre nous,‭ ‬je ne leur ai encore rien dit pour la prochaine course‭……‬..‭ ‬Chut‭ …‬..
Ludo
Les photos ICI

1 commentaire:

  1. Bravo Ludo pour ton récit. Le dialogue est parfois difficile entre son mental et son corps. Tu as su et pu passer outre.
    Bonne récup.

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