C'est comme ça que tout a commencé. Et moi, bien sûr, j'ai tout de suite dit oui.
Le soir même, après notre virée entre mecs au resto et au karting, j'ai regardé sur internet et là, j'ai vu que ça allait être dur et que j'avais répondu un peu vite.
Après quelques semaines de préparation plus ou moins sérieuse, notre jour J est enfin arrivé. Sentiments partagés entre plaisir de faire cette course et la peur de ne pas y arriver.
Comme avant chaque course, ma dernière nuit de sommeil n'est pas excellente, maxi 4 heures, mais bon, ça devrait le faire quand même.
Vers 7 h30, on est déjà sur place, pour une fois je ne serai pas limité au niveau timing. On aura même le temps de se poser quelques instants dans la halle des sports et de se changer pour adapter notre tenue vestimentaire aux températures qui promettent d'être clémentes.
8 heures pétantes, c'est le départ. On est placé en queue de peloton.
Le départ est plutôt rapide, on court à peu près à 11 /12 km/h. Je pense que c'est un peu vite, mais on est emporté par le flot des coureurs.
3 km de plat, puis première montée. Elle est longue et difficile, mais ça passe plutôt pas mal. On marche déjà, mais assez rapidement et on s'aperçoit que les barrières horaires sont assez larges...ça aussi ça devrait le faire.
Après 5 km de cette montée en sous bois, arrivée au col de La Forclaz, avec un Z (moi, lolo me l'avait pas dit que le Z, ça se prononce pas ici). Après, il va y avoir une descente, je vais pouvoir me faire plaisir. On arrive au 1er ravito en eau, je suis pas mal, je vois les mêmes images que Laurent. J'en prends moi aussi plein les yeux et Lolo a l'air en pleine forme.
Avant la course, on s'était dit: Course commune jusqu'au 28ème km, ce qui correspond au ravito solide. Après, suivant la forme, chacun finira sa course à son rythme.
Jusque-là, on a tout bon. Après une descente sympa, le gros morceau de la course arrive. Il va falloir grimper très dur et très longtemps, et là, dans ma tête, c'est le doute. Les questions s'enchaînent :
Qu'est-ce que je fais là ?
Pourquoi c'est si dur ?
Pourquoi, pourquoi, POURQUOI ?
La montée n'en finit pas. Elle est très raide.
Les blagues de Lolo, si drôles d'habitude, ne me font plus rire. D'autres essaient un peu d’humour, je ne les écoute même pas.
LA TÊTE VIENT DE LÂCHER.
A partir de ce moment là, tout devient difficile. C’était déjà dur avant, mais là, j'ai l'impression de faire de l'escalade. Chaque coup de cul devient un mur.
Mon Lolo lui, il a l'air d'un gamin qu'on a enfermé dans un magasin de jouets. Tout est beau, tout est simple. Il en bave aussi mais tout est une récompense pour lui. Un dernier raidillon où il me dit encore: Tu verras, en haut, ça va être beau.... Nous arrivons enfin au sommet, ça doit être très beau, mais là, je n’arrive pas à apprécier le panorama.
Heureusement, en regardant le profil du parcours, nous voyons que ça devrait bientôt descendre.
Après une partie plate, en effet la descente arrive enfin. Mais quelle descente ! Les 2 premiers km, je m'enfuis. Pour la première fois, j'arrive à distancer Lolo.
Mais elle ne se termine jamais, cette descente. Une douleur au genou me force à ralentir, puis ensuite à marcher. Les quelques coureurs que j'ai dépassés me redoublent, ils doivent bien rire. Je continue comme ça jusqu'au point d'eau. Pendant toute cette période, j'ai le moral dans les chaussettes. Le physique, qui jusque là suivait, commence à me lâcher. J’attends mon coéquipier quelques minutes. Quand il arrive, il me dit que la descente l'a fait souffrir. Comme d'habitude, il prend son temps. Je m'impatiente, mais pourquoi ? Pour mieux m'arrêter et abandonner au ravito ?
ABANDONNER. Ca y est, je commence à y penser. Ça serait une première, mais bon, pas de honte à ça. J'en parle à Laurent, il me dit que ce n’est pas possible, que Phil va se moquer de moi. Tant pis pour moi, j'assumerai ma décision.
Enfin on repart, on alterne course et marche. Le genou va mieux, le ravito arrive, il va falloir prendre une décision au kilomètre 28.
On est à 200 m de celui-ci, quand on aperçoit nos petites familles. Clara vient vers moi, me prend la main et court avec moi jusqu'au pointage. Je suis obligé de la modérer, elle court trop vite pour moi....
Pendant tout notre temps de pause, elle s'occupe de moi, me fait des bisous qu'elle trouve salés. Tu m'étonnes, vu ce que j'ai transpiré. Pour une fois, c'est moi qui allonge le temps de pause, histoire de prendre ma décision. Lolo tente de me convaincre en me mentant. Il me dit qu'il ne reste que 15km et 700 ou 800 mètres de D+. C'est faux, il reste bien 15km, mais avec 1200 de D+. Ha ! Le fourbe… Il essaie de profiter de ma fatigue et de mon manque de lucidité. En fait, je ne l'écoute même pas. Je suis dans ma bulle pour ne pas être influencé.
Ma décision est prise, je vais laisser tomber.
Clara est sur mes genoux, je lui fais part de ma décision, Elle a l'air déçue. Je lui demande pourquoi, elle me répond simplement qu’elle aurait aimé finir la course avec moi, au bord du lac.
Merci Clara. Je change d’avis, je repars. Rachel et Laurent viennent me voir, je leur annonce la bonne nouvelle. Je sais que ça ne sera pas une partie de plaisir, mais je vais le finir, ce trail. La dernière montée est interminable. Dans certaines côtes, je n'avance plus, j'ai même l'impression que mon pote va reculer. Le dernier sommet, c'est le Mont Veyrier (qui se prononce Veyrier, pour une fois). Le point de vue est superbe.
Il ne nous reste plus qu'une descente, et 1 km de plat sur le bord du lac. C'est sûr, je vais terminer. J’appréhende cette dernière descente, mais finalement, ça va pas mal se passer. On arrive à courir, à relancer, à se faire plaisir. Je ne sais pas si c'est la proximité de l'arrivée, mais je retrouve des ailes et le moral est de retour. La descente se termine, il ne reste qu'à courir, à dérouler un dernier km. Pour la 2ème fois sur 43 km, je suis devant Laurent. Je donne le tempo pour qu'on ne nous rattrape pas. Lolo en bave, et ce n’est pas la première fois, mais il serre les dents et on termine ensemble à 10 km /h sans nous faire doubler. Visiblement on n’est pas les seuls à avoir souffert. On est à moins de 200 mètres de l'arrivée et toujours pas de petites familles pour passer la ligne avec nous. Tant pis, on finira tous les deux.
Au final, 8h46 pour nos 43 km et 2800 de D+. Le premier objectif, qui était de franchir la ligne d'arrivée : ATTEINT.
Le deuxième était de finir en 7h30/8h : là, c'est raté. Tant pis.
En conclusion, c'est l'histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide.
Pour moi, il était clairement à moitié vide.
Pour Laurent, il était carrément plein.
Bravo Lolo.
Et merci, sans toi, je suis sûr que je n'aurais pas terminé cette course... Sans toi, je ne l'aurais jamais faite non plus, mais je ne t'en veux pas, bien au contraire.
Merci également pour ce week-end entre amis, où la bonne humeur et la convivialité étaient au top, comme d'habitude.
Merci d'avoir essayé de détendre l'atmosphère avec tes blagounettes, mais désolé, je ne pouvais pas les comprendre.
Un grand merci à Rachel qui m’a soutenu et surtout à ma petite Clara, qui a fait renaître une lueur d'espoir au bon moment.
Un grand merci aussi pour tous les messages d'encouragements.
A l'arrivée, je me suis dit « plus jamais ça ». Ce n’est pas de la course à pied, mais plutôt de la rando, où de temps en temps, on peut courir.
Après une semaine et demie, j'ai digéré, et je me dis « pourquoi pas ».
Pour en finir avec les remerciements et les bravos, je félicite les vainqueurs. Un peu plus de 4h, je crois, pour le premier sur notre course, et autour de 8h45 pour le premier du 86 km avec 5600 de D+. RESPECT Messieurs.
Un grand merci à vous si vous êtes arrivé à lire le récit jusqu'au bout !
Thierry
Quelle belle équipe ! Je suis fier de vous, les curling runners savent démontrer quel le moral a une fonction parfois déterminantes. Bravo à vous et à vos familles, ils ne faut pas les oublier dans des épreuves comme celles ci, ni sous estimer leur importance dans la phase de préparation.
RépondreSupprimerUn récit de course vu par d'un autre angle, c'est original. Bonne idée. Bravo.
RépondreSupprimerPis moi, je suis content parce que mes blagues sont drôles, "d'habitude" !
Encore pardon de t'avoir embarqué dans cette galère.
Ne t'excuse pas :
Supprimer1- Tu as démontré, s'il le fallait encore, ton esprit d'équipe
2 - Il a bien du prendre un peu de plaisir puisqu'il est reparti.
3 - Ca forge le mental, et ca, c'est bon
Thierry, ton récit a une grande valeur, c'est une belle histoire de solidarité et que nos proches nous font aller plus loin. Bravo pour ton récit.
RépondreSupprimerBravo à nos deux compères pour leur détermination à aller au bout de cette épreuve, belle leçon !!! et quels récits !!!
RépondreSupprimerbonne récup à vous.
Salut Thierry et Lolo,
RépondreSupprimerSi il y avait une livre à faire sur les exploits des coureurs du JCP, je réserverai vos 2 récits, tellement l'on ressent votre solidarité mutuelle que l'on demande à avoir entre les coureurs. La description de vos joies, vos doutes, et vos peines, sentiments humains honorables, je les lis et vis presque comme vous.
Les photos qui animent vos récits sont vraiment superbes
Alors encore une fois BRAVO et RESPECT A TOUS LES 2
Bonne récupération et l'on va fêter cela autour d'un verre de punch ( Sans Piments )... le 4 Juillet prochain
Merci Robert pour tous ces gentils compliments, mais tu sais, le champion des réçits c'est toi.
SupprimerTu es notre maitre à tous.
Non, Non, je ne suis pas un maître, je ne suis que la base car Phil qui corrige pas mal mes imperfections grammaticales...
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