Après des années d’inscriptions infructueuses et des milliers d’heures de préparation dans la douleur, la pluie et la neige j’obtiens officiellement parce qu’ils n'avaient plus le choix, au bout de 3 ans, mon précieux sésame : le droit de participer à la CCC, course aussi appelée "petite sœur de l'UTMB".
Problème de cette course, une suite interminable d’étapes d’inscription, de choix logistiques et une liste de matériel règlementaire avec la panoplie d’option qui va avec. Un SMS de l’organisation deux jours avant précisant que les kits canicule et grand froid ne seront pas activés.
Je pars pour Chamonix le jeudi. Après avoir réussi à trouver une place où me garer (les parkings pris d’assaut, du coup j’ai fait un bon coup dans une petite rue tranquille dans un quartier, à peine à huit minute à pied du centre), je pars récupérer mon dossard. Pas de contrôle systématique du sac, cause maladie mortelle qui traine. Petit SMS de l’organisation pour activer le kit grand froid…mince. N'ayant pris que le kit de base je n’ai pas la troisième couche chaude et les lunettes photochromiques (n'importe quoi comme si j’allais mettre des lunettes la nuit). C’est parti pour faire le tour du salon du trail histoire de compléter ce manque. Bien sûr personne ne sait exactement ce qu’il faut à part chez Innov qui me déleste de 65 euros. Je passe chez Julbo pour les lunettes et après un exposé commercial convaincant je décide de ne pas les acheter au vu du prix (190 euros pour un bout de plastoc qui change de couleur …. Je préfère éviter de débloquer mon PEL). Mes lunettes que j’utilise pour le vélo feront parfaitement l’affaire.
Au petit jour j’attrape la navette et c’est parti pour un passage par le tunnel du Mont Blanc pour rejoindre Courmayeur d’où sera donner le départ à 9h30 pour moi (sas 3), c’est à dire 3 heures d’attente …. C’est long et il fait froid… les commissaires de courses passent aléatoirement parmi les gens et contrôlent les sacs. Pas de problème pour moi j’ai tout et je baratine une caractéristique de mes lunettes…. Il gobe.
A 9h00 le premier départ est donné. Il y a un départ tout les quart d’heure pour 5 SAS, ce qui fait environ 2000 coureurs. Un petit débrief des organisateurs, une minute de silence pour l’accident sur la TDS et un conseil avisé de la mairesse de Courmayeur : il va faire froid sur les crêtes ; alors si vous avez froid : courrez plus vite ! On se demande comment elle a été élu celle-là.
On part dans le joli village et ça va pas courir longtemps. Ça monte direct par un sentier forestier pour entrer dans une très belle vallée afin de rejoindre un single où toutes les équipes d’équipementiers peuvent à leur guise faire une super étude de marché sur les équipements de chacun. Il y a du monde, du coup c’est la file indienne dans cette montée de 1400 m de d+ pour rejoindre le premier col au niveau de la tête de la tronche. Ça monte doucement donc ça va je ne risque pas de me fatiguer. Arrivé en haut une super vue sur le Mont Blanc et on redescend sur le refuge Bertone pour le premier ravito.
On passe sur une partie très roulante tout en balcon qui longe le massif offrant toujours une vue sur les glaciers. C’est peu technique et très roulant on a vite fait de s’emballer un peu trop. Je suis dans le bien-être et je prends le temps de boire dans les torrents où l’eau est limpide (et sans gout suspect).


On plonge dans la vallée pour rejoindre le ravito d'Arnouvaz. Je ravitaille bien car c’est parti pour un passage à 2500 m d’altitude par le grand col Ferret afin de rejoindre la Suisse (pas de douane … j’ai oublié mes lingots.. zut). Ça grimpe bien mais j’arrive vite en haut. Pas si dur que ça en fait mais un vent assez froid en haut. du coup une ou deux photos et j amorce la descente sur du sentier très roulant et ça va vite du coup pour rejoindre le ravito de la fouly. Ça continue à descendre et c’est toujours très roulant (ma parole on fait que courir dans cette course). Arrivé en bas on passe dans un village de hobbit ; chalets de formes différentes mais tous de la même couleur ; toutes les pelouses taillées au cordeau pas un brin qui dépasse ! Pas un jardin en bordel, tous les potagers niquels sans une seule mauvaise herbe ! On croit débarquer sur une autre planète … un village de hobbits ! Des fontaines à tous les coins de rue ou je m’abreuve joyeusement.
Après avoir traversé le petit village on distingue bien en haut d’un col le village abritant la base de vie de la mi-course. Petit détail il est bien perché et la montée est bien raide. Je suis à 9h de course et 55 bornes quand j’arrive en haut. Je me laisse à penser que mon objectif de 18 / 19 h est possible. Mais bon c’est sans compter que j’ai encore négligé l’alimentation entre les ravitos et le froid du au coucher du soleil. Je tremble. Surement une petite hypothermie et je pisse trois gouttes d’une couleur vert fluo, surement de la déshydratation …. Je me change avec la deuxième couche chaude et je mange des pâtes, du riz et un maximum de trucs chaud pour arrêter de trembler. S'en suit un gros travail sur moi-même pour éviter de trouver une excuse pour abandonner.
Je repars pour le début des problèmes. La montée pour passer le col est monstrueuse et interminable. Il commence à faire nuit, je sors la frontale. La montée est raide ; je n’en vois pas le bout et elle se termine par un plateau assez long avant de basculer sur le refuge de la Giete ou on est dirigé dans le refuge avec la musique à fond pour un petit ravito liquide. J abuse de l Overstim qui par miracle a l’air de bien remonter mon hydratation sans oublier de consommer les barres et les gels que je transporte (j’aurai même dû commencer à les manger dès la première montée). Ça descend très technique jusqu’ au col de la Forclaz et en dessous le ravito de Triend.
Je prends du temps au ravito je m’assois et discute avec un membre de l’organisation pour savoir ce qui m’attend pour la suite. Il est très loquace… surement la bouteille de mousseux qu’il est en train de dégommer. L’envie d’abandonner ne me quitte plus mais j’arrive à repartir malgré la bosse de dingue qui suit. C’est archi raide et pas mal de gars en perdition sur le bord du chemin. C’est très long et la bascule a du mal à venir. En haut une tente d’assistance, un feu de palettes et 3 personnes sous des couvertures de survie. Je me dis que je ne suis pas si mal ; les jambes vont bien et tant que je bouge je n’ai pas froid.
La descente vers Vallorcine est assez raide et technique et je commence à payer mes conneries de mauvaise gestion alimentaire. Les cuisses accusent le coup et ça devient long. Les derniers kils vers Vallorcine sur un single très accidenté ne vont pas arranger les choses. J'arrive enfin au ravito et je commence à voir le bout du tunnel ; il reste une bosse avant le bol de sangria…. Je peux plus abandonner. Je tremble grave au point que la gamine qui me sert la soupe va avertir un médecin, c'est devenu la mode la délation en ce moment. Je mets mon manteau, je le baratine que tout va bien mais il ne me lâche pas des yeux le bougre. Je mange du riz et tout un tas de truc énergétique ; j’attends qu’il s’absente et je file à l’anglaise.
J’ai bien fait de mettre mon manteau et mes gants ; il fait très froid en fait. Je marche et j’arrive à me réchauffer. J’évite de regarder en direction de la montagne où serpente une colonne de frontale m' indiquant l’endroit précis où je vais en chier. Évidement la course n’avait pas dit son dernier mot et mon objectif de temps venait de disparaitre. Là pour grimper la tête au vent faut y mettre les mains mais j’ai retrouvé des couleurs et je monte tranquille bien que ce soit interminable avec un plateau puis une montée pour arriver au pointage. Je suis presque heureux d’être sortie d’affaire…. Erreur. Ça ne descend pas jusqu’à la Flégère ; c’est des montagnes russes hyper accidentés sur quatre kilomètres pour finir par grimper une piste de ski. J’arrive quand même avec l’appréhension de la descente à venir.je demande à l’autochtone ce qui m’attend dans la descente. Il me dit que ce n’est pas technique et très roulant pour 5 kils de descente et 3 de plat pour l’arrivée. C'est dingue cette habitude de mentir chez les trailers !
Ça descend par les pistes de skis et je passe au-dessus de la douleur pour descendre le plus vite possible. Dans mon sac, cargo de nuit d’Axel Bauer … mon réveil sonne il est 5 heure ! La descente pas technique est en fait un single entre les sapins, bien pourrie avec des racines et des passages de torrents aux pierres bien glissantes. En plus ça descend pas tant que ça et c’est long. J’arrive à bien courir quand même et je rattrape pas mal de monde ce qui me met du boost pour continuer.
Ça y est ! J’arrive dans Chamonix et je ne décélère pas, je cours jusqu’au bout pour m’offrir une belle arrivée sous l’arche ou y pas grand monde … Il est 6 h et des poussières mais je suis quand même heureux vu toutes les pensées qui m’ont traversées. Je récupère mon cadeau finisher et je ne m’attarde pas avec un levé de soleil sur le Mont Blanc émergeant des nuages. J’ai au moins ça pour digérer mes 2 heures de trop sur mes objectifs.
Je remercie ceux qui m’ont suivi et encouragé tout du long par tous leurs messages. Famille, amis et membres du JCP sans qui j’aurai jeté l’éponge. Surtout pour ne pas me faire chambrer par la suite, on est d’accord ! C’est une course qui pour moi est difficile par son coté roulant du début et dur pour la deuxième partie où on n’attend pas des montées aussi longues et une météo de haute montagne froide et humide malgré qu’on soit en août. Une bonne leçon d’humilité et on verra pour le grand tour ! 2 nuits dehors je ne sais pas si je suis prêt ! Je vais par étape, donc déjà les 80 du THP en octobre et les 120 du roc de la lune en avril après on verra…
Stéphane
Bravo Stéphane pour ton récit et surtout pour être arrivé jusqu'à Chamonix. Tu as su et pu surmonter la fatigue et le reste... Bonne continuation dans l'Ultra.
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RépondreSupprimerBeau récit, ça donne presque envie, 😂😂je plaisante. Bravo
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